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    Aux anonymes publics

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    09/03/2012
  • Médias
  • Politique
  • Il est étonnant de voir comment ont évolué les relations entre l’anonymat et l’image publique. Une transformation des moeurs guidée par les médias auxquels nous nous exposons de plus en plus. Ce n’est pas un combat manichéen entre la vie privée et la vie publique mais bien un déséquilibre approfondi par Internet. Pour certains, ce n’est qu’un prolongement de leur métier, comme les gens du spectacle ou les politiques. Pour la majorité, c’est un exercice autrement plus difficile et auquel elle doit s’adapter.

    L’un de ses plus anciens usages remonte au VIII siècle av.J.-C. quand l’ Ulysse homérique, avant d’attaquer le cyclope Polyphème, s’identifie comme « Personne ». Bien plus tard, les peintres de la Rennaissance italienne (XVème s.) auront pour habitude d’utiliser un pseudonyme en relation à leur vie privée. Le surnom Botticelli, Sandro Di Mariano Filipepi de son vrai nom, fut inspiré du métier de batteur d’or qu’il pratiqua dans sa jeunesse. Ou encore Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage en référence à son lieu de naissance. Ainsi, certains artistes utilisaient des surnoms en relation avec leur vie personnelle pour éviter d’y être directement associé en cas de mauvaise critique. D’autres peintres choisirent l’anonymat par humilité envers les œuvres religieuses qui leur étaient commandées. On les a appellés les « maîtres anonymes » pour la difficulté à les identifier plus tard. Le pseudonyme était donc à l’époque une forme de protection de l’intégrité d’un artiste contre de mauvaises critiques ou un exercice d’ humilité.

    Dans la littérature, l’anonymat destiné à masquer l’identité d’un auteur remonte à plus longtemps. En effet, l’un des tout premiers livres anonymes fut Le Roman de Renard (1342). A cette époque, il jouait plus un rôle de protection contre d’ éventuelles censures ou sanctions des autorités. Il permettait également d’éviter tout jugement de valeur sur l’identité d’un auteur. Ainsi, le fameux Alcofribas Nasier, mieux connu sous le nom de François Rabelais, fit usage plus tard des deux aspects. D’une part pour pouvoir critiquer ses contemporains, principalement religieux, et d’autre part pour jouer sur l’ambiguïté de son anagramme. Une confusion qui pèse même sur la paternité de l’œuvre de Shakespeare. Le film Anonymous (2011) a d’ailleurs été consacré à ce sujet.

    Aujourd’hui l’anonymat est un droit inscrit dans les constitutions des sociétés les plus avancées. Cela permet d’ouvrir un compte bancaire avec un pseudonyme, aux femmes d’accoucher sous x, de faire dont de sperme ou de créer une société anonyme. Dans le monde artistique, l’anonymat est devenu une technique de marketing comme une autre qui contribue à vendre. C’est un phénomène bien connu dans le monde de la musique. Comment ne pas faire référence à ce cher et feu Jean-Philippe Leo Smet, ressuscité en Johnny Halliday.

    Ce phénomène a évolué en parallèle avec les médias de diffusion, du livre jusqu’à Internet. Depuis près d’ une décennie, la toile a littéralement fait exploser l’ usage du pseudo. Pour cela il suffit de compter ses propres pseudos. Pour ma part, je dois en avoir quatre ou cinq facile. J’associe mes pseudos aux différentes pages et contenus que je consulte le plus souvent. L’anonymat est également une forme de garantie des débats sur le Net. Sans lui, il n’est pas certain qu’ ils soient aussi ouverts, malgré une censure évidente.

    Pour terminer, Internet a considérablement amplifié la sensation d’anonymat pour son horizon illimité d’internautes. Une caractéristique qu’un groupe d’ hacktivistes a fait sienne: Anonymous. Au de-là des activités du groupe, son nom reflète clairement cette tendance médiatique à l’exposition volontaire ou involontaire des individus. Les caméras de surveillance un peu partout, le partage incontrôlé de données personnelles, etc. On est passé à Internet 2.0 pour cette raison que nos informations privées sont utilisées à des fins principalement commerciales, mais aussi « sécuritaires » et autres. Face à ces lésions de plus en plus répandues, le concept d’Anonymous est simple et radical: regroupement collaboratif et international pour la défense de la liberté digitale. Une organisation qui regroupe de manière horizontale et évite la personnalisation, contrairement aux modèles de sociétés individualistes d’aujourd’hui. Nous vivons une époque contradictoire où la liberté d’expression n’a jamais été aussi « grande » et pourtant l’usage de l’anonymat semble démontrer le contraire. Même s’il ne protège pas vraiment dans le fond.

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