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    06/12/2015
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    Ces derniers temps, la censure est de plus en plus présente dans le paysage médiatique et contamine le débat public. Cela va bien au delà de la censure sur Facebook ou autres réseaux sociaux. Les derniers événements malheureux de Paris confirment cette réalité. Que ce soit dans les grands médias ou l’opinion publique, l’obstruction à la liberté d’expression ou d’information est de moins en moins discrète. L’occasion de faire le point sur la situation aujourd’hui. Pour ce faire, on se basera sur l’expérience de Julian Assange, cofondateur et rédacteur en chef de Wikileaks. Ce dernier a subi toute sorte d’attaques cyber-, judiciaires ou financières contre son site pour cesser ses publications de cables en masse, sans succès. En effet, Wikileaks a jusqu’à présent toujours su maintenir ses contenus accessibles sur le net grace à des sites « miroirs. » En gros, le site dispose de plusieurs domaines correspondant chacun à un pays différent mais ayant exactement le même contenu (Wikileaks.com, .be, .fr, etc). Dans son dernier bouquin, Wikileaks: When Google Met Wikileaks, publié en juin 2014, il tire de ces expériences un modèle de la censure et ses formes d’expression.

    On peut aisément illustrer les différentes censures par des exemples concrets et récents. Pour les meurtres de journalistes et d’éditeurs, on peut se référer au site Reporters Sans Frontières (consulté le 29/11/2015). Ce dernier recense 63 morts en relation directe avec leur travail d’information à ce stade de l’année 2015. Dans la tête de liste, on retrouve l’Irak avec onze morts, suivi exceptionnellement par la France avec huit morts. Cette deuxième place s’explique évidemment par la fusillade à Charlie Hebdo du 7 janvier 2015. Toutes les victimes faisaient partie de la rédaction de l’hebdomadaire français. Ensuite, on retrouve des pays comme le Soudan du Sud, la Syrie ou encore le Yemen. Dans ce classement, il est important de faire la différence entre les pays en conflit des autres. Il est en effet, plus facile de justifier l’assassinat ciblé de journalistes dans des zones qui ne sont pas en guerre comme le Mexique.

    Après les menaces de mort, viennent les actions légales qui sont bien plus fréquentes (cf. Reporters sans Frontières). De plus, elles englobent également les net-activistes, souvent rangés dans la catégorie hackers par les autorités. Les procédures légales représentent une forme de violence qui peut mener à la fermeture d’un média, l’embargo sur une publication ou encore à de la prison comme le journaliste américain Barrett Brown. Dans le pire des cas au suicide pour ceux qui en font l’objet. On rappellera le cas de l’activiste américain Aaron Schwartz, programmeur surdoué et précoce qui se suicidera le 11 janvier 2013. Attaqué en justice par le gouvernement américain pour avoir téléchargé légalement blindé d’articles du Massachusetts Institute of Technology (près de 4.8 millions d’articles). Ce n’est même pas le MIT qui l’a traîné devant les tribunaux mais le gouvernement qui le soupçonnait de vouloir en tirer profit alors qu’il voulait seulement le mettre gratuitement à disposition du public. Fervent militant de l’Internet libre, il avait très jeune entamé son combat pour l’accès libre à l’information sur l’Internet et il en a payé le prix de sa vie. Ces deux cas ne sont pas pris au hasard. Les États-Unis sont le pays à la pointe de la technologie et les questions qu’elles posent ont une conséquence sur le reste du monde. Notamment, en ce qui concerne la libre circulation de l’information à laquelle le gouvernement s’oppose farouchement.

    Un autre exemple à l’issue positive cette fois. Pas plus tard que mardi 1 décembre, Médor, un magazine d’investigation belge, dont la vente du premier numéro était prévue le 20 novembre dernier, a été empêchée par un embargo. En cause, un article impliquant l’entreprise pharmaceutique wallonne Mithra, spécialisée dans des produits de santé féminine. Selon l’auteur de l’article, le journaliste David Leloup qui a enquêté six mois, la compagnie dirigée par François Fornieri a « omis, dans le prospectus de Mithra, un risque financier potentiellement important pour les actionnaires. » Elle a également oublié de mentionner une procédure judiciaire en cours au moment de son entrée en bourse en juin 2015. D’autres irrégularités sont mises en lumière dans l’investigation. Pour éviter sa diffusion, une requête unilatérale et en urgence a été introduite en justice par l’entreprise sans prévenir la coopérative prise de cours. Cela a entraîné des pertes économiques significatives qui auraient pu être fatales pour Médor qui a financièrement pu compter sur ses abonnés. Cette affaire met clairement en jeu la liberté de la presse en Belgique dès lors que le magazine n’était pas encore en vente. La décision de justice prise mardi passé par le Tribunal de première instance de Namur de trancher en faveur du journaliste est importante. Tous les arguments avancés par Mithra ont été rejetés et considérés comme une volonté de censure. Ils étaient les suivants. Primo, le caractère urgent de la demande de Mithra n’était pas justifié puisque l’article n’était pas encore en vente au moment de la demande. Ensuite, les « dommages » à la réputation de l’entreprise pharmaceutique n’ont pas été retenus pour la même raison. Finalement, l’embargo a été levé car les fautes du journaliste n’ont pas été démontrées par les avocats qui n’on pas hésité, au passage, à salir sa réputation. Au regard de l’article 25 de la Constitution belge, « La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. Lorsque l’auteur est connu et domicilié en Belgique, l’éditeur, l’imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi. » En bref, la censure « n’existe pas » en Belgique. Pourtant un cas similaire avait connu une fin malheureuse. C’est pourquoi cette victoire est d’autant plus importante pour la presse qu’elle rétablit au centre du débat les limites de la censure au sens stricte de la loi et non plus selon son interprétation qui permet des écarts. Cette fois, la justice a donc renvoyé à la niche Mithra qui pour le coup a fait une belle publicité à Médor, désormais disponible en librairie. Il faudra voir si ce cas fait jurisprudence.

    Pour en revenir à la pyramide d’Assange, le troisième niveau représente l’autocensure. Les personnes et médias qui entrent dans cette catégorie ne veulent pas risquer leur vie ou subir des attaques en justice. Elles ne veulent pas non plus perdre des opportunités d’affaires ou de promotion dans leur carrière. En France (et en Belgique), au lendemain des attentats du 13 novembre, la liberté d’expression a été accaparée par les autorités françaises sous couvert d’élan patriotique et d’état d’urgence. Une situation qui rappelle étrangement la réaction des États-Unis après le 11 septembre. Paris avait pourtant critiqué sa démarche belliqueuse envers l’Irak en 2003, via son ministre des Affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin. Dans un tel contexte, certaines questions ne peuvent être abordées sans en subir les conséquences, comme Michel Onfray qui s’est récemment retiré de la vie publique. Il a eu le malheur de responsabiliser la politique étrangère française dans les pays musulmans pour justifier en partie les derniers attentats de Paris. Le feu nourri des critiques médiatiques presque unanimes aura eu raison de lui, alors qu’il pose un problème fondamental d’une responsabilité partagée. La quasi uniformité de ces messages pose une autre question fondamentale. Celle de l’hyper-concentration des médias dans les mains de quelques hommes d’affaires nantis qui y favorisent l’autocensure, voire de la propagande à des fins commerciales ou politiques. Et on peut citer des cas d’école dans ce domaine tels Rupert Murdoch, Silvio Berlusconi ou encore François Bolloré et Patrick Drahi en France. Cette situation contribue à la perte de crédibilité des médias aux yeux du public. D’autant plus qu’à cela s’ajoute la diffusion, de plus en plus souvent, d’informations erronées lors de situations de crise. Même si les médias français ont tiré des leçons des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour retrouver l’intégrité journalistique.

    Dans ce contexte médiatique de troubles profonds, le renouveau de la presse indépendante s’affirme comme une véritable alternative pour contourner ces différentes censures souvent subies ou acceptées par les grands médias et la majorité de l’opinion publique. Par ailleurs, Julian Assange a aussi prouvé que la technologie peut être très efficace dans ce domaine. Étonnement, la liberté de la presse se vide de sa substance dans une ère où des grands médias censés informer librement sont muselés par des enjeux économiques et se répètent au point de reproduire les erreurs par manque de contrôle. Retrouver cette crédibilité passe par une indépendance réelle (économique et politique), et qui s’appuie sur la rigueur journalistique.

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